EDMOND VEUX, PRISONNIER DE GUERRE
Juin 1940- Sept 1945
Le Palais, Saint-Auban sur l’Ouvèze
Interview du 26 juin 2009, complété en juillet 2010
Texte revu bien après la disparition d’Edmond (fév. 2023).
Vous êtes né le 24 novembre 1910. A la déclaration de guerre, le 20 août 1939, vous avez 29 ans. Vous êtes marié et habitez chez vos parents à la Truchière, en dessus du ruisseau de l’Antane, à Saint-Auban sur l’Ouvèze. Comment s’est passée la mobilisation ?
Edmond Veux juste avant son départ en 1939
« Nous avions des fascicules de mobilisation. Ils étaient modifiés selon l’âge et les périodes de formation obligatoires. Je devais faire 21 jours de formation. J’en avais fait 8, il en restait 15. C’est ainsi que j’ai été mobilisé. Je suis parti pour ma Division:le IVème Génie, caserné à Grenoble. J’avais apporté des vivres pour le voyage. Il fallait 3 jours. C’est Léon Galland qui m’a emmené le matin très tôt en moto jusqu’au Buis pour m’éviter de devoir partir la veille et coucher au Buis.
Une photo de Denis Reynier (le premier motocycliste) et Léon Galland
le second conducteur, transportant leurs voisins (Bret et Abel Gauthier),
« On prenait donc le petit train du Buis tôt et jusqu’à Orange puis un autre jusqu’à Valence puis un troisième vers Grenoble. J’avais une grosse voiture Willis grise. Mais c’est quelqu’un d’autre qui m’a conduit. J’avais appris le métier de charron à Saint-Auban chez Gustave Raymond qui était maréchal ferrant (outre ses fonctions de maire et de cafetier). Mais le métier de charron ne servait plus guère que pour les charrettes et tombereaux : pour se déplacer, on était motorisés ; on n’employait plus les véhicules à bêtes. Pour revenir à ma voiture, pendant la guerre Léon Galland l’a mise sur cales avec des briques sous les moyeux pour que les pneus ne s’abiment pas. C’était une 6 cylindres que j’avais achetée à Beyssier du Buis. Il aimait les voitures et allait en chercher à Marseille. Avec une formation de charron, j’étais habile dans le bois, je l’ai transformée en bétaillère et y chargeait le foin, du Palais à la Truchière. Elle était imposante avec ses roues à rayons.
Edmond avec sa vareuse du 4ème génie de Grenoble, 1939.
« Alors, à la mobilisation, après un mois en caserne à Grenoble, on nous a envoyés à la frontière italienne car l’Italie avait déclaré la guerre à la France. C’est ainsi qu’en 39, au lieu de faire les vendanges chez moi à La Truchière, je les ai faites… à Chambéry parce qu’on aidait les paysans- qui étaient bien contents qu’on leur donne un coup de main inespéré- !
Ensuite, on nous a emmenés au Ballon d’Alsace, fin septembre 1939. Là c’étaient les vaches qui souffraient : des mamelles grosses comme ça. Elles meuglaient, abandonnées. Avec la débâcle, tous les habitants avaient fui devant les Allemands. Dans les champs ces pauvres vaches couraient après nous pour se faire traire. Mais nous n’avions pas le droit de nous en occuper. Nous devions continuer. On a passé sur les lieux où ils s’étaient battus pendant la première guerre mondiale. On est allé visiter, avec un collègue. On dormait sous des toiles de tentes, des bâches qu’on portait sur le dos. On était dehors comme des bêtes. De ce temps-là, c’était comme ça. Puis on a été encerclés, toute la division du 4ème Génie. Peut- être 10.000 hommes ; tous les régiments ont été fait prisonniers. Le 18 juin 1940.
Nous sommes restés prisonniers en caserne à Colmar 3 mois puis on nous a évacués sur le Rhin et regroupés par petits commandos de 7 ou 8 qui allaient dans des villages. C’était tout organisé. Moi je suis arrivé à Hessigheim, dans une boucle du Neckar, au sud de Heilbronn, à 25km de Stuttgart.
« Au début on était 8 au commando. A la fin une cinquantaine dans deux camps différents. On remplaçait les Polonais dont le pays avait été envahi avant la France et qui après ce travail dans les fermes allaient probablement dans les mines ou dans des fabriques d’armement.
Moi, j’étais dans une maison où il y avait une femme, plus très jeune, 60 ou 65 ans. (Louise Haiber, née Hesser, selon les informations données en sept.2009 par la petite-fille de Louise, Ilse Leopold de Balingen).
Il y avait aussi son fils ainé, Gottlob, qui était sourd, peut- être moins qu’il n’y paraissait mais cela lui évitait de partir à la guerre comme c’était le cas pour son frère plus jeune, Robert, qui venait de temps en temps, mais assez rarement et qui, étant blessé d’une balle qui lui avait traversé l’avant-bras et le bras au-dessous du coude, avait été envoyé en convalescence dans une ferme.
La photo de la vieille ferme dans la Hinterdorfstrasse au bas du village montre, après la première guerre mondiale, Louise et ses trois enfants. La fillette : Louise, comme la mère, Gottlob l’ainé avec un bonnet sur la tête et Robert, le plus jeune né en 1913. Sur le côté gauche un aide, un parent ? Sur le côté droit, probablement le mari de Louise, qui décèdera en 1927. Edmond n’a jamais entendu parler de lui.
« Mais pendant les années où j’étais là, vers la fin de la guerre, les Allemands enrôlaient tous les hommes valides, bien ou mal entendant. Alors juste avant de partir pour le front russe, Gottlob s’est marié. En cas de décès au front, cela permettait à sa femme de toucher quelque chose, au moins une petite rente de veuve de guerre. Le repas de noces était le soir. Nous devions rentrer dans notre camp à temps. Mais on nous a fait manger avant les autres. De la sorte nous avons eu un bon repas de noces,avant même que les invités passent à table !
Le mariage de Gottlob Haiber et de sa femme avant qu’il parte pour le front russe à Noel 1944. Il ne reviendra pas.
Une lettre de Mme Ilse Leopold précisera en automne 2009 que Gottlob, porté disparu sur le front Russe, n’est jamais retourné auprès de sa jeune épouse.
Quant à Robert (son père à elle), blessé sur le front,
il fut envoyé pour aider à la campagne au moment des récoltes à Balingen, près de Isingen (future zone française). C’est là qu’il a connu sa femme, qui était une des jeunes filles de la ferme où il aidait. Ils se sont mariés en 1945.
Mais comme sa mère à lui, Louise Haiber, habitait à Hessigheim en zone américaine, elle n’a pas pu obtenir de laisser-passer lui donnant le droit de venir au mariage de son fils. Cependant la bru avait réussi à rencontrer sa belle-mère. Elle avait pu passer avec le Pasteur qui avait donné une réponse sibylline au douanier : « Vos papiers, monsieur le Pasteur.
Et c’est votre femme ?
– C’est comme vous dites » répond celui-ci, qui ne voulait pas mentir même pour la bonne cause.
Mme Ilse Lepold est née à Balingen en 1952, 3 jours avant le décès de sa grand-mère Louise (à Hessigheim). Elle se réjouit donc chaque fois qu’elle peut mieux la connaitre à travers les récits qui l’évoquent comme ceux de M. Veux ou de Mme Elfriede Meier qu’elle avait retrouvée lors d’une visite au musée des outils d’autrefois à Hessigheim. Il se trouve que de 1944 à 47, Elfriede âgée de 12 ans avait habité chez la grand-mère Louise Haiber.
La seule photo de Elfriede (à droite,plus que trouble !) juste après la guerre.
Elfriede se souvenait bien de Veux et à tout de suite reconnu Edmond sur les photos qu’on lui a montrées.
Voici Elfriede Meyer en 2009 à Hessigheim, le jour de la fête de bienvenue aux neuf Saint-Aubanais venus en visite avec leur maire (voir compte rendu photographique séparé)
« Dans le camp où nous dormions, on se levait à 6 heures du matin et chacun allait travailler dans la ferme dont il dépendait. On mangeait avec eux à table, la même chose qu’eux. Tous les 15 jours, ils faisaient leur pain et ce jour-là également des gâteaux. Nous en mangions pendant 2 ou 3 jours. Le dimanche nous ne pouvions pas aller à la messe : ils étaient tous protestants. Nous étions bien traités. On se comprenait par gestes, on avait appris quelques mots. „ Kumm“, „Schnell“, Brot, Fleisch, Holz schneiden, gute Nacht, Regen, mit der Kuh… Car c’est avec les vaches qu’ils travaillaient les champs. Pour battre le blé, je leur avais fait comprendre que je m’y prenais autrement. Eux, ils gardent les gerbes et font les battages en hiver, sous les hangars, quand la mauvaise saison est venue et qu’on ne peut rien faire dehors. Mais leur façon de planter les patates, je l’ai appliquée ensuite de retour chez moi. Ils plantaient à la charrue. Bien sûr il fallait être au moins deux. J’ai travaillé à la pioche toutes les vignes qu’ils possédaient : une au bord de la rivière, dans les bas-fonds et deux vers le plateau sur des banquets à flanc de colline. Ils taillaient la vigne en laissant un long sarment qu’ils liaient en boucle en l’attachant avec du raphia ou de la ficelle au point de départ, comme une couronne fixée sur le pied de vigne. On passait du souffre et du sulfate de cuivre, comme ici en France. On écrasait le raisin, on le pressait mais on ne le faisait pas fermenter : au bout d’un jour, tout partait à la coopérative. Ils ne gardaient que 50 litres pour leur consommation. Ils avaient aussi le droit de faire de l’eau de vie avec le marc, 4 ou 5 litres. Parfois ils en faisaient avec des pommes. Ils faisaient aussi du cidre. Je l’aimais plus que le vin que je ne pouvais pas boire parce qu’il était trop acide. Le vin qu’ils gardaient était vraiment acide. Je n’en buvais pas. Ou alors avec de l’eau. Ça me faisait des brulures d’estomac. En revanche, les bouteilles de Lemberger que m’a envoyées Madame Lepold sont excellentes ainsi que le Trollinger et le Riesling (Ce nom – là, nous le connaissons en Alsace). Mme Lepold dit que les 3 vignes que j’ai travaillées sont à Womberg, à Hanbach et aussi au bas des collines plus près du Neckar. Elle m’a fait envoyer du vin de ces lieux par la coopérative de Bessigheim ! Fantastique !
Parfois on me disait : - Tu attelles les 2 vaches et le charriot.
Et j’allais sur le plateau chercher les betteraves qu’on descendait à la ferme pour donner aux vaches. Pour les vaches, on broyait les betteraves avec de l’herbe fraiche -ou sèche en hiver-. Pour les cochons, on mélangeait avec autre chose, des farines. Mais je ne m’en occupais pas. C’est la dame qui s’en occupait.
A propos de cochon, ils tuaient tous les ans un porc, souvent de toute beauté, de 100 kg et plus. Mais ils ne savaient pas le conserver. En tout cas pas dans cette maison. La première année, au bout de 3 semaines nous avons mangé de la viande pourrie. Eux aussi ! Nous mangions à la même table. Ils faisaient bouillir et rebouillir cette viande mais le haut-goût restait. Ah j’aimais pas ça ! Alors l’année suivante, je me suis fait envoyer une plaque de jambon salé par Marie-Rose ma femme et je le leur ai fait goûter. Ils ont trouvé ça bon. Alors je leur ai construit un saloir en bois et nous avons salé tout cela. Ils étaient contents. Le jambon, je l’ai pendu bien au sec dans un endroit ventilé. Au bout de 3 mois, on pouvait le manger : ils trouvaient ça bon. C’était de la belle viande. Le porc était assommé d’abord par un coup à la cervelle puis ils le saignaient. D’autres le piquaient pour l’endormir avant de le saigner.
Puis on l’ébouillantait pour racler les soies. Ils faisaient du boudin, des saucisses comme chez nous et avec le foie , du pâté de foie en conserves.
Il y avait 2 vaches dont on tirait le lait mais elles servaient aussi de bêtes de trait. Il y avait 1 cochon, 4 ou 5 poules dans l’enclos et des lapins aussi. Il n’y avait pas beaucoup de place car ce n’était pas une grande ferme au milieu des champs. Dans cette région, l’habitat est groupé. Il n’y a pas de fermes entourées de terres ; les terres sont toutes à l’extérieur du village, parfois loin. Il y avait un cabanon à outils en béton. J’en avais la clé.
On n’arrosait jamais, c’était toujours frais dans ce pays.
Deux années de suite, nous sommes allés faire de la feuille dans la forêt d’Ottmarsheim à 5 km au nord. Tous les villages autour finissaient par -Heim (qui veut dire hameau, maison, foyer selon le cas) : Mundelsheim à 3km au Nord, Bessigheim à l’Ouest, Kleiningersheim, Ingersheim, Pleidersheim au Sud.
C’est à la tombée de la nuit, vers 6 ou 7 heures, que nous mangions. Ensuite nous devions rentrer dans notre camp qui était fermé de l’extérieur. Nous recevions des lettres et des paquets par la Croix rouge. On m’envoyait de la nourriture. Mais j’écrivais à ma femme Marie-Rose (née Veux, elle aussi, car c’était ma cousine germaine de Nyons). Je lui disais : « ne m’envoie rien ! Ici, il y a assez à manger. Pour cela je ne manque de rien ! » J’avais 29 ans. Il y en a qui avaient des histoires avec les femmes. Moi non, j’étais déjà marié.
Le samedi matin, nous prenions la douche et devions faire le ménage dans notre camp. Éventuellement une petite lessive. Mais les patrons nous lavaient le linge. Ils avaient des machines à laver communales.
Parfois l’été, quand il faisait chaud, nous allions nous baigner sur les berges du Neckar. Le dimanche nous ne travaillions pas, à part donner à manger aux bêtes. Nous faisions des petits goûters au camp avec le contenu des paquets arrivés par la croix rouge. Marie-Rose envoyait du pâté en boite cerclée, cuit au bain-marie ou d’autres conserves Mais c’était gênant de recevoir à manger alors que nous ne manquions de rien. Il y avait peut-être, parfois, moins à manger en France à cause des restrictions…
Au camp, nous dormions dans des lits superposés et avions un unique drap, sur le matelas. Dessus nous avions un édredon, dans une housse. Au début nous étions 6 ou 7. Vers la fin nous étions si nombreux, près d’une cinquantaine, qu’on a dû construire un second camp. Notre camp se trouvait à droite en remontant la Bessigheimerstrasse (depuis la rue Hinterdorfstrasse où je travaillais). Sur le plan envoyé par le maire adjoint Mr Tröster et le conservateur du patrimoine Mr. Haiber, je crois que c’était la seconde rue à droite, la Lerchenstrasse peut-être.
Vers la fin de ma captivité, on nous payait 10 francs par jour. Je l’envoyais à ma femme. Qu’est-ce que j’en aurais fait ? A la fin, j’ai acheté une valise pour mettre mes affaires.
Une anecdote ? – Ah, il y avait une chose curieuse : On était très attentif à ce que les chardons ne grainent pas et n’envahissent pas les sols ! Pour cela il y avait un genre de garde-champêtre spécialisé, le garde chardon, le Distelman qui leur mettait un PV si on laissait grainer des chardons. On y faisait donc très attention !
Vers la fin de la guerre, quand les bombardements alliés ont commencé, la femme m’a envoyé avec un collègue dans la ville voisine (Kleiningersheim ?) où elle avait des 3 ou 4 parents dont elle n’avait pas de nouvelles. Les Anglais lançaient des bombes à dépression (ou à air comprimé). La déflagration touchait tous les habitants, même cachés dans les caves. Cela faisait éclater leurs vaisseaux sanguins. Le collègue a vu le sang qui avait coulé par les oreilles. Et un peu par le nez. Ils étaient tous morts dans les caves, mais presque sans blessures apparentes. Il y avait aussi une femme et 2 enfants en bas âge. L’un des hommes avait l’index levé comme pour monter les avions. Ce collègue était choqué. Ça lui avait fait mal au cœur de voir ça. Il répétait : "- Je n’y retourne pas, je n’y retourne pas !"
Une autre fois j’ai vu une chose impressionnante mais sans véritable explication : On nous a conduit dans un hangar, peut-être pour y travailler, mais finalement, on est ressortis sans rien faire. Je crois que c’était vers Ingersheim. C’était un hangar aux murs en béton, plein à craquer de guêtres ou de genre de bottillons de cuir dont la partie inférieure avait été coupée. Il nous semble voir compris qu’elles venaient de soldats sur le front russe après 1943. Mais pourquoi entassées par milliers au sud-ouest de l’Allemagne ? Pour réutiliser le cuir ? Avaient-elles couvert des pieds gelés ? D’où venaient ces restes de chaussures ?
Nous avons été libérés en 45 par la Légion étrangère. Nous avons été rassemblés par région et bout d’un mois rapatriés. Il y avait peu de trains. J’ai marché à pied de Ludwigsburg jusqu’à Karlsruhe, 40 ou 50 km à pied. On mangeait dans les villages en réquisitionnant le nécessaire. Nous n’étions pas armés. Puis on nous a mis en train, jusqu’à Valence. Puis Orange et Le Buis. C’est encore Léon Galland qui est venu me chercher au Buis en moto. J’étais resté 5 ans en Allemagne et 6 loin de chez moi de septembre 1939 à septembre 1945.
Souvenirs d’une longue vie
En septembre 1945, vous êtes rentré à la ferme de la Truchière où vous attendaient votre femme et vos parents. Mais vous aviez appris un autre métier avant de revenir à la ferme ?
Oui Charron comme je vous ai dit ! Ce métier de charron, je l’avais appris à Ballons puis avec Gustave Raymond, le maréchal- ferrant (qui avait aussi été maire et sa femme Noélie tenait un café à côté de la boucherie Rolland en contrebas de la fontaine de la grand-rue). Il fallait avoir de la force dans les mains !On faisait rougir les plaques de fer qui servaient pour le cerclage des roues de bois des charrettes. La forge brulait avec du charbon de terre (Houille ou anthracite) et les plaques devenues rouges étaient tordues sur un cercle qui servait de gabarit pour les couder. On soudait les arcs de cercle ensemble et on les mettait peu à peu sur la roue de bois, quand la plaque était encore rouge et dilatée par la chaleur pour qu’en se refroidissant elle se contracte et enserre bien le bois de la roue. Mais pour que le fer, chauffé au rouge, ne brule le bois, il fallait immédiatement l’arroser d’eau pour le refroidir. Et bien sur, au préalable il avait fallu construire la roue avec le moyeu et les rayons là aussi selon des règles précises.
Vers 1939 l’atelier de Gustave RAYMOND. Il est au centre à côté de sa fille. A droite son beau- père et à gauche, tenant dans ses mains une plane de charron, probablement Jean Pascal, fils de Siméon, excellent menuisier au Pont de Saint-Pierre.
Vous êtes connu comme étant un grand travailleur ; vous étiez celui qui commençait ses récoltes ou ses labours avant les autres. Vos mains témoignent encore de votre force. Pourtant vous n’aviez pas d’aide, pas d’ouvrier agricole. Comment faisiez-vous ?
J’aurai aimé adopter mon nevau André Vincent le fils de ma soeur Henriette. Mais ça ne s’est pas fait. Ma femme a préféré adopter un bébé de l’assistance , ma fille Elisabette. Et je me suis débrouillé seul. J’ai toujours aimé le travail. J’ai beaucoup travaillé dans ma vie et pas toujours pour moi ou ma famille comme vous le savez. Je faisais ce que les circonstances, la saison, l’avancement des récoltes demandait.
Vous aviez des frères et sœurs. Comment se fait- il qu’ayant un métier, vous soyez revenu à la ferme ?
C’est mon frère Henri qui avait 9 ans de plus que moi qui avait d’abord aidé mon père. Mais il pensait mieux vivre sur des terres à primeurs et c’est ce qu’il a fait : il avait d’abord loué une ferme à Carpentras, plus tard il a acheté et s’est construit une maison. Les primeurs ça marchait bien. C‘est donc moi qui suis resté à la ferme. On savait travailler dur. Moi, j’ai toujours travaillé ! Mais pas toujours pour moi... Pendant une année j’avais été charron dans une famille à Ballon. Mes parents venaient de Montbrun où ils étaient nés. Du reste nous sommes des parents éloignés des Veux de Mévouillon.
Mon grand-père, Anselme Veux, né en 1841, et sa femme Virginie, avaient acheté La Truchière (peut- être à la famille Galland ?). Mon père, Elie Veux, est resté à La Truchière après le départ de son frère « le Mon » dont je porte le nom. C’est à la Truchière que je suis né. Ma mère s’appelait Marie. Nous étions 5 enfants : Germaine l’ainée, couturière au Buis, Henry qui s’est marié avec la sœur ainée d’Yvonne Roux- Montaux du Chatelard, puis Yvonne et Henriette qui s’est mariée avec Florian Vincent à la Ciresse. Ma sœur Henriette est décédée il y a trois ans environ (en 2006 ?) Je suis allé à pied à son enterrement (depuis le Palais où j’avais construit une troisième maison). Le dernier de la famille c’était moi, Edmond, le plus jeune. Les gens m’appellemnt Momond, ( D’autres Ponpon par allusion au bruit de mon tracteur)
Mon oncle « Le Mon » était né en 1846.Ils’ était marié avec Rose-Marie Bernard née en 1846. Le mariage a mal fini mais ils avaient une fille Marie-Rose qui est devenue ma femme. Nous étions donc cousins germains. Mon grand-père avait aussi acheté Le Palais où a habité ma sœur Yvonne. Elle s’était mariée avec un Albert de Souèbe dans le Tarn. Ils avaient fait connaissance par correspondance. Tu es allée à l’école de Saint-Auban avec ses enfants Marc, Bernard et Guy Albert après la guerre. Mais ils ont depuis plus de 40 ans déjà, déménagé et c’est ton père qui a acheté la ferme du Palais où a habité quelques années ton oncle Aimé Rochas avec sa femme Virginie, puis ton frère Lucien après son accident et son mariage avec sa femme Joëlle, qui était parisienne. Puis sont arrivées leurs trois filles. Les terres du Palais sont bien mieux arrosées et plus fertiles que celles de la Truchière ! C’est sur ces terres du Palais que j’ai construit moi-même ma maison pour ma retraite. J’avais 65 ans. Celle de La Truchière, c’est ma fille et son mari qui y ont habité après moi. J’avais même construit une autre maison pour eux sur le Serre, en dessus du Chatelard, mais c’est le plombier Zimmerman, avec qui je m’entends bien, qui l’a achetée.
(Note : François De Carlo décède en 2017. Sa veuve, Elisabeth habite toujours à La Truchière. La maison d’Edmond au Palais avait été cédée en viager. Les versements du viager conformément à la loi ont continué à être versés pendant des années, plus de 8 ans, après la disparition de Veux.
A la Truchière, nous étions les seuls catholiques quoique non-observants, au milieu de fermes protestantes. Mais nous nous entendions bien : nous nous aidions pour les gros travaux d’été, là où il faut tous les bras. L’hiver, chaque semaine et parfois plusieurs fois par semaine, nous allions chez les voisins faire la veillée : Chez les Ponçon, les Rochas, les Brachet, les Gauthier, les Roux avec qui nous sommes apparentés. Francis Servant (qui était responsable des routes et chemins) se souvient qu’il est venu manger à La Truchière plusieurs fois au cours des 3 années où il habitait au pont avec sa femme Simone Brachet (du Pouzet) après la mort de leur premier bébé Jean-Louis Servant. Amandes, noix, châtaignes, il ne manquait pas de triage à faire devant une tasse de café, de tilleul ou un verre de « goutte » et quelque panade de pruneaux ou de pommes. On passait une bonne veillée au chaud en blaguant. On ne faisait pas souvent la fête. Mais j’aimais bien danser la valse, la polka, la mazurka, le quadrille même, avant la guerre.
Pour le vot (la fête votive), on avait une équipe de musiciens qui venaient de Sainte-Jalle. Une fois, j’ai dansé avec une des filles de Jean Brachet.
Quand j’avais du temps, j’allais à la chasse. Une fois mon chien a levé un lièvre dans Garancier et l’a rabattu. Je suis allé au poste, là où ils passent et je l’ai eu à peu de mètres de la maison. Une autre fois en descendant j’ai entendu un serpent siffler : Un aspic. Je l’ai tué avec un coup de fusil. J’avais un fusil que j’ai par la suite revendu 500 francs à Quenin qui avait un magasin d’armes au Buis. Je l’ai échangé contre un beau Darne avec culasse pour cartouches courtes au prix de 1000 francs. Je l’ai toujours et devrais le vendre. Je ne m’en sers plus : Je n’y vois plus assez.
Cet interview finit en octobre 2009. A cette date une délégation de Hessigheim, alertée par le proche anniversaire de ce centenaire,vient lui rendre hommage. Pour le Maire, le premier et second adjoints de Hessigheim et pour les descendantes de sa patronne le souvenir « positif » qu’il garde de sa vie de prisonnier est précieux. Cela prouve que qu’un traitement humain est possible même en temps de guerre. L’absence de haine, le respect, dans les deux sens le bon traitement manifesté arrive meme à surprendre. On aura lu avec étonnement que les prisonniers ont leur linge lavé, peuvent de baigner l’été dans le Neckar et même partager le repas de noces du fils. On mange à la meme table.
A Saint-Auban en octobre 2010, sa fille adoptive, Elisabeth Veux-De Carlo, conduit Edmond Veux à l’hôpital du Buis. Mais il ne veut pas y rester. Il n’est pas spécialement malade et réclame qu’on vienne le chercher, qu’on le ramène chez lui ou qu’on l’amène « ailleurs, n’importe où , à la mer, à la montagne » ! Il essaiera 4 fois de partir. Par 3 fois les infirmières ou quelqu’un le reconduit à l’hôpital. La quatrième fois le 11 décembre 2010, il disparait disant à Simone Chastel qui l’invite à se chauffer "Je ne m’arrete pas. On me reprend chaque fois".
Pendant 3 jours et alors que la nuit la température descend à moins 5 degrés, les gendarmes, les pompiers, les équipes n médicales, les marcheurs et randonneurs,les chasseurs, les équipes de volontaires, les policiers cinéphiles de Valence puis ceux de Grenoble avec un chien d’avalanche le cherchent. En vain.
On n’a jamais plus eu de traces d’Edmond Veux. Mais il a laissé à son village l’héritage d’un Cercle d’amitié franco-allemand qui s’est créé en souvenir de sa vie en Allemagne dont il n’avait « pas un mauvais souvenir ». Cela a permis des visites réciproques, des échanges réguliers, des activités scolaires, une visite au Parlement européen commun, des excusions entre Ventoux et Clavelière, des soirées mémorables, des transferts de toutes sortes. C’est ainsi que sont arrivés à Saint-Auban des rosiers dans les allées du village, du vin des célèbres pentes du Neckar, une dizaine de paires de chaussettes pour pieds demesurés, tricotées par une correspondante attentionnée. Tous les deux ans une visite avec hébergement réciproque ou un voyage en commun ravivent les contacts. Tout cela restera lié au nom d’Edmond Veux.
Souvenir du goûter d’anniversaire déjà pour son 99 anniversaire le 24.11.2009
Avec Mme Chauvet, maire du village de Saint-Auban/Ouvèze, le 26 novembre 2009, deux jours après son anniversaire, les voisins et amis se sont rencontrés au foyer communal pour fêter le 99ème anniversaire d’Edmond Veux. Outre Momond, 27 étaient venus :
Bec Max
Bontoux Pierrette et Robert
Chastel André
Chastel Simone
Chauvet Véronique
Garaix Noëlle
Guillaume Ginette
Kleemann-Rochas Colette
Léger Christiane
Meffre Fernande
Quenin Cécile et Jean-Louis
Ravoux Annie et Claude
Ravoux Jean-Louis
Ravoux Henri
Reynier Lise
Rochas Françoise et Yvon
Rochas Joëlle et Lucien
Stuetz Dorothée et Volker
Tourniaire Chantal
Tourniaire Renée
Travers Christopher 27
On le félicite chaleureusement
Le gâteau d’anniversaire est décoré par Pierrette Bontoux avec de vraies fleurs confites et l’inscription « Momond 99ans ». Momond est le diminutif par lequel Edmond est connu, dans le village.
On danse la polka sur l’air provençal » L’aigo boulido
Sauve la vido
Au bout d’un tens
Tieue li gens
Momond sait rire
…ou être sérieux
ou triste… La fête est déjà finie.
Christiane Léger l’invite aussi pour un goûter de crêpes dans la maison de Christopher Travers. Momond montre ses fortes mains. Christiane a vu comment il maniait avec force le pic et la bèche pour modifier son arrosage.
Mais l’année de ses cent ans sera la plus mémorable !
A la mi- octobre, 12 et 13 octobre 2019, un an avant ses 100 ans, Momond reçoit la visite de la petite-fille de celle qu’il appelait"La dame"sa patronne pendant les 5 ans de prisonnier de guerre en Allemagne : Cette petite- fille, c’est Ilse Lepold, venue du sud de l’Allemagne (Ballingen) avec ses filles Anna et Sarah. Elles arrivent, les bras chargés de cadeaux, et resteront 2 jours à Saint-Auban. Elles ont amené leur costume du sud de la Souabe (Bade-Wurtemberg) et leur violon. Elles chanteront à deux voix la chanson du vieux Schaeffer (berger) que Momond avait pu entendre lors du mariage de Gottlieb. Par trois fois elles feront une sérénade : avec Momond après le repas
puis tous sont allés chez Henri Ravoux, voisin et copain de Momond et elles ont joué une troisième fois lors de l’invitation chez Madame le Maire, Véronique Chauvet, pour un repas à la soupe d’épeautre.
Les trois dames ont été étonnées que le maire prenne le temps de préparer elle- même un repas pour leur visite !
Elles ont apporté du Wurtemberg et cuisiné des maultasche, gros raviolis de viande. Et elles ont réussi à faire parler Edmond en allemand. Toutes sortes de mots sont revenus à sa mémoire ! Guten Tag, Wie geht’s ? Verstanden ? Vielen Dank, Genug !
Pour lui montrer des photos de Hessigheim et de leur famille, elles ont donné à Momond sa première leçon d’ordinateur !
Dans le jardin de Momond avec son tracteur "Ponpon"
Et à la porte de son garage.
Un mois plus tard, arrive à Saint-Auban depuis Hessigheim une délégation officielle : Pas moins que le maire, Gunter Pilz, son premier adjoint Professeur Fritz Troester et une seconde adjointe, Suzanne Eisele.
Hélas Edmond n’habite plus à Saint-Auban ! Sa fille a trouvé une place à la maison de vieillesse du Buis et l’y a descendu. C’est donc d’abord à l’hôpital que la délégation s’est rendue, n’étant pas sure de le ramener pour la réceptiom à Saint-Auban. I ILs remettent à Momond des cadeaux, une photo d’archives représentant le bourg à l’époque où il y habitait. Il y reconnait la centrale hydroélectrique. Des bouteilles du célèbre vin de Hessigheim, un livre etc…. On croit qu’il faut l’accompagner à la cantine. Mais l’infirmière avertit qu’il est inscrit "sortant", qu’on peut l’emmener. Elle lui remet les cachets qu’il devra prendre avant son repas, en précisant qu’il devra renter vers 15h. D’abord incertaine, la délégation décide de le ramener à Saint-Auban. Heureusement ! Une trentaine de personnes l’attendaient ! Chacun avait reçu une invitation et les autorités avaient préparé discours et grand buffet. Le tout en l’honneur de la délégation de Hessigheim … et de Veux puis que finalement il était là !
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L’invitation aux habitants de Saint-Auban :
Et puis un an plus tard le 30 novembre 2010, ( six jours après son véritable jour d’anniveraire) il y aura une fête organisée pour lui à l’hôpital , avec ses voisins de chambre, des amis, le maire de Saint-Auban, sa fille et une nièce. Chœur, gâteau, jus de fruit. Il se plaint à la maire de Saint-Auban parce qu’on ne le ramène pas chez lui. Il l’a demandé sur tous les tons : il n’est pas malade et n’a pas besoin de rester à l’hôpital. On lui dit : « mais vous êtes bien ici ! vous avez supporté 5 ans prisonnier c’était bien pire ! » - « Non .répond-il c’est maintenant qu’on souffre ». Et il pleure. Il montre le ciel en disant « je trouverai une solution ». Il pleure encore quand on l’accompagne dans le Buis pour lui changer les idées. « Emmène-moi où tu veux, à la mer, sur la montagne ! » Il dit, quand on le raccompagne dans sa chambre :« On ne fait jamais ce que je demande ». Il a pris 3 fois la route pour remonter chez lui en autostop. « On me ramène chaque fois » dit-il à Simone Chastel qui essaie de le faire entrer chez elle avant d’avertir l’hôpital qu’il est sorti en chandail et pantoufles au lieu d’aller à la salle de la cantine.
Le 5 décembre 2010 à 11h Momond donc quitté l’hôpital qu’il détestait et disparait.
Comme déjà dit, dans l’heure suivante les équipes se mettent en place, coordonnées par les services public : le personnel de l’hôpital, les gendarmes, les pompiers, les chiens d’avalanche, les chasseurs, les associations de marcheurs, les multiples volontaires, même les radiesthésistes…
Au bout de trois jours, le préfet rappelle les équipes, nécessaires en urgence pour faire face à la tempête de neige dans la vallée du Rhône.
On ne trouvera plus aucune trace d’Edmond. Il en est encore ainsi 10 ans plus tard. Rien ! Les gens en ont ressenti longtemps un mélange de honte, d’effarement et de tristesse. Comment avons-nous pu le perdre ? Ce n’est pas comme cela que nous voulons traiter nos anciens !
EDMOND VEUX
(Traduction en allemand de son témoignage sur ses années à Hessigheim)
KRIEGSGEFANGENSCHAFT IN HESSIGHEIM
(SEPT. 1939 - SEPT. 1945)
Saint-Auban
Interview par Colette Kleemann-Rochas 26.06.2009, ergänzt 2010.
Übersetzung : Jürg Kleemann.
Sie sind geboren am 24.Nov. 1910. Zur Zeit der Kriegserklärung 20.08.1939 sind sie 29 Jahre, Sie sind verheiratet, Sie wohnen bei Ihren Eltern im Anwesen La Truchière, am Bach L’Antane in St.Auban. Wie ist die Mobilmachung vor sich gegangen ?
Wir hatten Heftchen mit Anweisungen je nach Jahrgang für Einberufungen zu Wehrmachtsübungen. Ich hatte 21 Tage im Jahr abzuleisten, 8 Tage hatte ich bereits hinter mir, 15 Tage standen noch offen. Zu diesen wurde ich aufgerufen, dann auch gleich festgehalten zur anlaufenden Mobilmachung. Ich bin also losgegangen zu meiner Division, 4. Pionierbataillon in Grenoble. Ich hatte Eßwaren für die Reise, die drei Tage dauerte, mitgenommen. Mein Nachbar Léon Galland brachte mich mit seinem Motorrad in aller Herrgottsfrühe nach Buis-les-Baronnies, so mußte ich nicht schon am Vorabend abreisen. Ich bestieg den kleinen Lokalzug, den es damals noch gab, nach Orange, stieg um nach Valence und dort wieder nach Grenoble. Ich hatte selbst ein Auto, eine graue Willis, die ich als kleinen Lastwagen, eine Art Camionnette, umgebaut hatte. Die ließ ich also zuhause. Ich war von Beruf Wagner wie Dein Vater, das war schon keiner moderner Beruf mehr, war nur noch zum Bau von Karren brauchbar, sonst waren wir schon motorisiert.
Nach einem Monat Kaserne in Grenoble schickte man uns an die italienische Grenze, weil Italien den Krieg erklärt hatte. So kam ich im Monat September 1939 statt zur Weinernte daheim zu den Bauern in Chambery, die über diese Entwicklung des Krieges zufrieden waren. Dann haben sie uns auf den Berg in Elsass (Ballon d’Alsace) verlegt. Dort waren die Kühe in Mitleidenschaft gezogen, weil die Bauern dort geflohen waren. Die armen Tiere liefen hinter uns her, weil sie gemolken werden wollten, aber wir hatten kein Recht, uns um sie zu kümmern. Wir kamen durch Orte, wo man sich schon im ersten Weltkrieg bekämpft hatte. Wir schliefen in Zelten und unter Planen, dann ist unsere ganze Division eingezirkelt worden von den deutschen Truppen, ca 10.000 Mann hoch, alle Regimenter, sind wir gefangengenommen worden. [Veux nennt als Datum den 18.Juno 1940]. Wir blieben gefangen in Colmar, in den dortigen Kasernen, für 3 Monate. Dann wurden wir über den Rhein evakuiert, in kleine Gruppen aufgeteilt und in Dörfer verteilt. Es war alles organisiert, ich kam nach Hessigheim, dass in einer Neckarschleife liegt, südlich Heilbronn. Zu Beginn waren wir nur acht, dann um die 50 im Kommando. Vor uns wurden die Polen, deren Land bereits vor unserem besetzt worden war, von der Landwirtschaft in Bergwerke und Waffenfabriken verlegt. Ich kam in ein Haus mit einer älteren Frau, ungefähr von 60 Jahren [Luise Haiber, geborene Hesser, nach Information ihrer Enkelin Ilse Leopold]. Mit ihr lebte ihr ältester Sohn Gottlob, der taub war, wohl nicht so taub, wie es erschien. Doch wurde ihm die Einberufung erspart im Gegensatz zu seinem jüngeren Bruder Robert, der selten auf Heimaturlaub kam.
Im Laufe der Zeit jedoch wurden alle Männer eingezogen, ob sie gut oder schlecht hörten, aber gerade vor seiner Abfahrt an die russische Front heiratete Gottlob. Es gab ein Hochzeitsmahl am Abend. Da wir jedoch in unser Lager zurückkehren mußten, servierte man uns, bevor die geladenen Gäste kamen, ein besonderes und wirklich hervorragendes Mahl ! [Madame Ilse Leopold präzisiert hier, daß Gottlob an der russischen Front als vermißt gemeldet wurde und nicht zu seiner jungen Frau zurückkehren konnte. (So hat er ihr jedoch durch die Eheschließung zu einer wenn auch minimalen Pension verholfen). Robert dagegen, verletzt an der Front, wurde in die Erntehilfe geschickt, nach Isingen in der zukünftigen französischen Zone. Bei der Bauernfamilie, in die ihn sein Einsatz führte, lernte er seine zukünftige Frau kennen. Noch 1945 heirateten beide, Roberts Mutter, die in der amerikanischen Zone lebte, bekam die Genehmigung nicht, in die französische Zone zu reisen.
Ein Mädchen ergänzte 1944 den Haushalt auf eine 3-köpfige Familie : Elfriede Meier.
Durch Vermittlung von G. Haiber (Heimatpfleger) trafen sich Frau Leopold mit der quicklebendigen Achtzigjährige auf einer Ausstellung von Landwirtschaftgeräten in Hessigheim im Frühjahr 2010 und gab ihre Adresse Frau Kleemann weiter. Frau Meier erzählte dann, daß sie Ende 44 im Haushalt von Louise Haiber kam und bis1947 blieb. Sie konnte sich ganz gut an Herrn Veux (gesprochen Fä-ux) erinnern, obwohl sie nur 12 Jahren alt war. Sie erkannte ihn sofort auf dem Bild, das Herr Haiber ihr zeigte.]
Darauf angesprochen, erinnerte sich Edmond Veux, dass auch ein Mädchen dort mit wohnte.
…Im Lager, wo wir schliefen, stand man um 6 Uhr auf, um zur Arbeit in das Bauernhaus zu gehen, dem man zugeteilt war. Wir waren dort mit am Tisch, teilten dieselben Speisen, die alle aßen. Jede zwei Wochen machten sie ihr Brot, am selben Tag wurde auch Kuchen gebacken. Wir zehrten davon mehrere Tage. Am Sonntag konnten wir nicht zur Messe gehen, denn alle waren evangelisch. Wir wurden gut behandelt. Man verständigte sich mit Gesten, wir hatten einige Worte gelernt Kumm, schnell, Brot, Fleisch, gute Nacht, Regen, mit der Kuh… Es waren in der Tat Kühe, mit denen man die Felder beackerte. Was das Korndreschen angeht, hatte ich verstehen lassen, daß ich es anders gewohnt war. Sie bewahrten nämlich die Garben und droschen im Winter in der Scheune, wenn die schlechte Jahreszeit es verbot, draußen zu arbeiten. Aber ihre Art des Kartoffelpflanzens habe ich später angewandt, als ich zurück nach Haus kam. Sie pflanzen nämlich mit der Egge. Natürlich muß man dann zu zweit sein. Ich habe mit der Harke ihre Weinberge bearbeitet, einen am Rand des Flusses in der Niederung und zwei am Abhang der Hochebene. Sie schnitten die Weinreben so, daß ein einziger Zweig mit einer Schnur zurückgebunden wurde an den Weinstock. Es sah aus wie eine Krone, befestigt am Rebstock. Man spritzte mit Schwefel und Kupfersulfat genau wie wir. Man preßte die Trauben, ließ sie aber nicht am selben Ort fermentieren. Nach einem Tag ging das Ganze zur gemeinsamen Weinkellerei. Sie behielten nur 50 l. für den eigenen Bedarf. Sie hatten auch das Recht, 4 - 5 l Schnaps zu brennen, manchmal machten sie ihn aus Äpfeln. Aus diesen produzierten sie auch den Apfelwein, den ich vorzog. Der Wein aus Trauben, den sie behielten, war zu sauer. Ich trank davon nichts, weil ich Sodbrennen bekam, es sei denn, ich verdünnte ihn mit Wasser. Im Gegensatz dazu ist die Flasche Lemberger, die Frau Leopold mir schicken ließ, ausgezeichnet, so auch der Trollinger und der Riesling, den wir aus dem Elsass kennen. Frau Leopold sagt, dass die drei Weinberge, in denen ich arbeitete, sich in Wurmberg, Hambach und der Au befinden. Es ist genau diese Gegend, aus welcher die mir zugesandten Flaschen stammen.
Manchmal sagte man mir : Spann die beiden Kühe an den Karren an und hole Zuckerrüben vom Plateau. Die brachte man dann nach Hause, um die Kühe zu füttern, mit frischem Gras gemischt, mit trockenem im Winter.
Für die Schweine mußte man die Rüben mit anderem mischen. Das war nicht meine Aufgabe, die Hausfrau hat das selbst gemacht. Zum Schwein kann ich noch etwas erzählen. Jedes Jahr durfte man ein Schwein schlachten. Es war ein Tier bester Qualität, 100 kg und mehr. Sie wußten aber auf dem Hof nicht so recht, wie man das alles konserviert. Im ersten Jahr, als ich ankam, haben wir daher alle schon nach drei Wochen verfaultes Fleisch gegessen. Sie kochten es wieder und wieder, der faulige Geschmack blieb. Ah, mir ging das nicht herunter ! Darum ließ ich mir im Jahr darauf von Marie-Rose, meiner Frau, eine Lage eingesalzenen rohen Schinken schicken und gab ihn den Hausleuten zu probieren. Sie fanden es gut. Dann machte ich einen Kasten voll Salz und wir haben vom Schwein in Salz eingelegt. Ich habe die Schinken in Baumwollsäcke eingewickelt und zum Trocknen in einer gut gelüfteten Ecke aufgehängt. Nach drei Monaten konnten wir davon essen, alle waren sehr zufrieden. Beim Schlachten wurde das Tier zuerst auf das Genick geschlagen, dann ließ man es ausbluten. Andere gaben ihm zuvor eine Spritze. Dann hat man heißes Wasser darüber gegossen, um die Borsten abzuschaben. Die Hausfrau machte Blut- und Leberwurst sowie Leberwurstkonserven genau wie wir.
Es gab auch zwei Kühe, die als Milchkühe aber auch als Zugtiere dienten. Dann ein Schwein (das man schlachten durfte, weil auf dem Hof drei Personen lebten), dazu hielt man noch vier bis fünf Hennen und Kaninchen.
Es war eng, alles im Dorf, denn es gab keine Einzelhöfe draußen zwischen den Feldern. Diese lagen alle außerhalb des Dorfes, manchmal weit entfernt. Dort gab es Schuppen aus Beton für Geräte, ich hatte die Schlüssel davon. Es war nicht notwendig, die Felder zu bewässern, es fehlte nie an Feuchtigkeit.
Zwei Jahre nacheinander gingen wir über fünf Kilometer zum Wald von Ottmarsheim, um Blätter für die Fütterung zu holen. Alle Orte ringsum haben eine Endung auf …-heim : Mundelsheim, Besigheim, Kleiningerheim usw.….
Wenn die Nacht einbrach, so um sieben Uhr herum, aßen wir zu Abend. Dann mußten wir in unser Lager zurück, das von außen verschlossen wurde.
Wir bekamen Briefe und Pakete durch das Rote Kreuz, von zuhause schickte man mir auch Eßwaren. Ich schrieb aber meiner Frau : „Schicke doch nichts, hier gibt es genug zu essen. Was das angeht, fehlt mir nichts…“ Ich war 29 Jahre alt, andere Gefangene hatten Geschichten mit Frauen, ich nicht : ich war verheiratet.
Am Samstagmorgen konnten wir uns duschen und sollten dann unser Lager in Ordnung bringen, auch Wäsche waschen. Aber unsere Patrone erledigten unsere Wäsche in der Waschmaschine der Gemeinde. Manchmal im Sommer, wenn es heiß wurde, gingen wir baden am Neckarufer. Am Sonntag arbeiteten wir nicht, nur die Tiere hatten wir zu füttern.
Wir feierten kleine Feste im Lager mit dem Inhalt unserer Pakete. Marie-Rose schicke mir Pasteten in Konservendosen, aber wie gesagt, ich genierte mich dafür. Denn es gab wohl in Frankreich noch weniger zu essen wegen der Lebensmittelknappheit. Im Lager schliefen wir auf zweistöckigen Betten, wir hatten nur ein Bettlaken auf der Matratze und darüber ein Plumeau, ganz anders als ich es kannte. Am Anfang waren wir nur sieben, später so viele, dass ein zweites Lager notwendig wurde. Unseres befand sich rechts, wenn man von der Hinterdorf- zur Besigheimerstrasse hinaufgeht. Auf dem Plan, den mir der Vizebürgermeister Herr Tröster und der Heimatpfleger Herr Haider zusandte, könnte es die Lerchenstrasse sein.
Gegen Ende der Gefangenschaft zahlte man uns 10 Franc pro Tag, die ich meiner Frau schickte, denn was hätte ich damit anfangen sollen ? Zuletzt kaufte ich einen Koffer, um meine Sachen für die Heimkehr einzupacken.
Sie fragen mich nach einer Anekdote ? Ach ja, etwas Merkwürdiges : man achtete sehr darauf, daß die Samen der Disteln im Ackerboden keine Wurzeln schlagen konnten. Dafür gab es eine Art Feldwächter - ich würde ihn den Distelmann nennen - der Strafen verteilte, wenn man die Disteln reifen ließ. Man mußte also sehr aufpassen !
Eine andere Begebenheit vom Ende des Kriegs, als die Alliierten zu bombardieren begannen. Da schickte mich meine Patronin mit einem Kameraden in das Nachbarstädtchen (Kleiningersheim ?), weil sie von einigen Verwandten dort keine Nachrichten mehr hatte. Die Engländer warfen spezielle Bomben (Vakuumbomben ?), deren Druckwellen alle Bewohner, sogar in den Luftschutzkellern, erreichten. Ihre Blutgefäße platzten. Der Kamerad sah davon die Blutspuren aus Nase und Ohren, aber sonst keine sichtbaren Verletzungen. Alle waren tot. Auch eine Frau und zwei kleine Kinder, ein Mann mit ausgestrecktem Finger, der nach oben auf die Flugzeuge zeigen wollte. Mein Kamerad war unter Schock. Es zerriss ihm das Herz, wieder und wieder sagte er : dort gehe ich nicht mehr hin…
Einmal habe ich etwas Eindrucksvolles gesehen : wir kamen in eine Halle, um dort zu arbeiten, gingen aber unverrichteter Dinge wieder fort. Zwischen den betonierten Wänden lagen Berge von Ledergamaschen, deren Unterteil abgeschnitten war und fehlte. Wir dachten, daß sie von Soldaten der russischen Front nach 1943 stammten. Warum wurden sie im Südwesten Deutschlands angehäuft ? Um das Leder neu zu verwenden ? Waren sie von erfrorenen Füssen entfernt worden ?
Frau Elfriede Meier erinnert sich genau an blaue neue Schuhe, die sie 1945 bekam. Sie mußte dafür mit Pierre, ein andere Kriegsgefangen, extra nach Ingersheim fahren. Das geschah, um also das Leder wieder zu verwenden das mit den Ledergamaschen gelagert war.
Befreit wurden wir von der Fremdenlegion. Man hat uns zusammengestellt je nach Herkunft. Ein Monat später wurden wir repatriiert. Es gab wenige Züge. Ich ging zu Fuß von Ludwigsburg nach Karlsruhe, ungefähr 50 km. Wir aßen unterwegs in den Dörfern : das Notwendigste wurde requiriert. Bewaffnet waren wir nicht. Man teilte uns Plätze zu im Zug bis Valence, dann bis Orange und von dort nach Le Buis. Wieder war es Leon Galland, der mich auf seinem Motorrad abholte. Sechs Jahre hatte ich weg von zuhause verbracht, von September 1939 bis September 1945, davon 5 in Deutschland.
1. 13h.00 : Repas de la Délégation avec Mme le maire, une conseillère et des Saint- Aubanais au restaurant la Clavelière
2. L’après-midi : Temps libre. Éventuels contacts individuels ou promenades en fonction des souhaits de nos hôtes (Circuits des châtaigners, du chemin de l’eau ou du chemin des croix)
3. 20h : Soupe au pistou pour la délégation au Solaio chez C. et J. Kleemann.
Samedi 30 Octobre 2010 :
9h00 : Départ de la délégation pour le col d’Ey jusqu’à Rochebrune
10h00 : Visite des caves de La Rosière avec explications en allemand par Valéry Liotaud.
11.00 : Voiturage d’Edmond Veux du Buis (Maison de retraite, chambre 311) à St. Auban.
11.30 : Rencontre des Saint-Aubanais avec la délégation d’Hessigheim (Salle de la Porte Basse) suivi d’un apéritif- lunch pour tous.
• Accueil de Mme le Maire de Saint Auban, Véronique Chauvet. Traduction Marion Westerhoff
• Message de Monsieur Günter Pilz, maire de Hessigheim (Trad. Johannes Westerhoff.
• Questions posées à M. Veux et à la Délégation par quelques enfants de l’école. Traduction Mariane Heberlein ou Annie Bontoux)
• Message de fraternité par Jean-Louis Ravoux. (Traduction Annie Bontoux ou Mariane Heberlein
14h00 : Départ pour Nyons. Arrêt à Sainte Jalle (visite à l’Église de N. D. de Beauvert, XIIe s.)
15h.00 : Musée des moulins à huile d’olives (Autrand/Dozol) au Pont Roman de Nyons
17h.00 : Concert Missa Criola par le chœur de Christine Paillard et l’ensemble Los Caprichios de musique Sud-américaine (avec présentation d’instruments spécifiques), à l’église Saint Vincent de Nyons, à l’occasion de sa réouverture après rénovation.
20.00 : Repas et adieux au Bougalou (Saint- Auban). Traduction Marion et Johannes Westerhoff. (Pour participer, s’inscrire)
Saint-Auban sur l’Ouvèze et sa vallée