Tombe N° 4 :
En face presque de l’entrée, à gauche, la tombe n°4, des ARNOUX /BRACHET. Cette tombe est celle de Yetha Ponçon épouse ARNOUX (1880-1940) et de sa fille Laure Arnoux épouse BRACHET (1905-1989).
Yétha était née PONSON (une transcription inexacte de Ponçon), le même nom que ses voisins du Pouzet. Ils étaient peut-être lointainement apparentés. Elle venait de Léoux. Les autres Ponçons sont de Chalencon qui n’est pas éloigné de Léoux. Son mariage avait eu lieu à Villeperdrix. Yétha était une grande dame mince, habillée de noir, timide.
Son mari qui est propriétaire de la ferme s’appelle Léopold ARNOUX, dit Polet de Besson. Il n’a pas de plaque commémorative. Il décède dans de tristes conditions en juillet 1944, déprimé par le décès de sa femme en 1940, mais aussi de celui de sa sœur cadette Émilie ainsi que celle d’Herminie Arnoux (sa sœur ainée ?). Il est certainement affecté aussi par ses différents avec son gendre Jean Brachet et appauvri par la guerre. Il se suicide en juillet 1944, donnant à sa fille Marie-Rose un mauvais modèle de résolution des problèmes de vie. Polet était le fils de Marie Arnoux née BRUSSET, elle-même décédée 2 ans après lui à 90 ans (1856-1946) et ensevelie ici selon le registre RIP mais sans stèle spécifique non plus. L’appellation Polet de Besson fait référence à une trisaïeule maternelle, gloire de la famille et en général des Protestants de Saint-Auban, pour avoir été martyre pour la foi : Antoinette Besson fut enfermée pour refus de conversion dans la prison de Valence (improprement appelée « hôpital général »). Elle y mourut, victime des sévices de l’infâme et féroce Henri Guichard, dit « Hérapine » qui était directeur de cette prison et infligeait ou faisait infliger par les religieuses des traitements horribles allant jusqu’au supplice et à la torture. Son rôle déclaré était de « convertir par toute espèce de moyens les protestants les plus opiniâtres ». (Bulletin du protestantisme t. XVI, p. 369 ; Eugène HAAG, La France Protestante, 1877, t.VII, p. 366). Voir en Annexe 3 le récit d’une autre prisonnière enfermée avec elle dans la meme prison:Blanche Gamond, native de Saint-Paul-Trois-Châteaux. http://www.regard.eu.org/Livres.7/Huguenots/13.html
Après le décès de Léopold Arnoux, son gendre Jean Brachet (marié à sa fille Laure) revient au Pouzet. Ce Jean Alexis c’est le fils d’Aimé Honoré Brachet du quartier des Mourres et d’Antoinette Bayle. Nous reparlerons de toute la famille à propos de la tombe de la demi-sœur de Jean (Léonie, dite " la Maille"), la tombe 14, la dernière à gauche en sortant (ou la première à droite en entrant !)
Jean est évoqué ici car il avait épousé Laure Arnoux, la première fille de Polet en 1931. Mais il est enseveli à Sainte-Euphémie dans la tombe de ses parents. La ferme de sa naissance, Les Mourres, était située dans la commune de Sainte-Euphémie puis a appartenu à Christine Paillard, chef de chœur et veuve de Jean-François Paillard, grand chef d’orchestre qui a résidé 20 ans à Saint-Auban et y est enseveli. De nos jours la ferme appartient à un couple de « Parisiens ».
Ainsi la tombe n° 4 commémore, semble-t-il, seulement une mère et sa fille ainée : Laure Léonie Arnoux qui est née le 21 décembre 1905 (1905-1989). Selon le registre des baptêmes, sa marraine est Émilie Arnoux, sœur de son père, sa tante donc, ensevelie à la tombe n°11. Ni le mari de Yetha, Léoplod Arnoux, ni leurs deux autres filles (Julia et Marie-Rose) ne sont spécifiées sur la plaque tombale. Il s’agit de Marie Julia Arnoux 1908-1909, décédée en très bas âge, et de Rose-Marie, Denise, Arnoux 1917-1947. Marie-Rose a 30 ans en 1947 et déprime : « Elle boude » disait-on d’après le témoignage oculaire de Gilbert Pipard, à l’époque garçon de ferme chez les Arnoux-Brachet. Elle se suicide en janvier 47 dans la même citerne d’eau que son père. Choqué, le voisin Léopold Ponçon, propriétaire de cette « serve » d’eau, la démolira sur le champ.
Pour revenir à Laure Arnoux future épouse Brachet, elle a donc pour marraine Emilie ("la tante Emilie") sœur de "Polet" son père, et ensevelie dans une tombe de même décoration (tombe 11). Pour parrain on lui a choisi un frère de sa mère : Édouard Ponson, frère de Yétha Ponson, tous deux de Chalencon (ce qui les apparente aux Rochas dont la grand-mère, Eugénie épouse de Clément Rochas était une Ponson (Ponçon) de Chalencon). Les Arnoux étaient très nombreux, répartis sur plusieurs fermes (Le Pouzet, La Tuilière, La Ciresse, le Pont de Saint-Pierre). Mais dans quelle tombe les uns et les autres reposent-ils ? Par exemple Herminie Arnoux, célibataire (*1875 - †1940) qui est nommée dans le registre. Est-ce une sœur de 5 ans plus âgée de Léopold Arnoux et d’Émilie ? Elle est notée comme habitant au Pouzet, peut-être dans la partie Ouest de la maison. Elle décède en 1940 à l’âge de 65 ans.On notera que l’hiver rigoureux de 1940 et la dépression due à la guerre et à la débâcle ainsi que les années de restrictions qui suivent emportent beaucoup de personnes, parfois dans des conditions tragiques pour les familles dont on peut pressentir les souffrances malgré les non dits.
La vie cependant continue avec le jeune couple de Jean et Laure Brachet qui, après un séjour à Venterol où nait en 1936 leur seconde fille Renée, s’établit au Pouzet, après le décès de « Polet » en juillet 44. Le couple aura au total 6 enfants dont un seul garçon, Henri, probablement enterré à Grenoble en 2006 ; Henri aurait pu développer des talents agricoles et aurait eu assez de terres, entre celles des Arnoux et des Brachet (administrées par son oncle Marcel Brachet aux Moures) ; mais au Pouzet, tout restait sévèrement géré par le père Jean, et Henri doit quitter Saint-Auban, doublement touché, après une guerre en Algérie qui l’avait profondément perturbé. Très intelligent, il deviendra officier du cadre noir à Saumur. Cependant, cassé dans sa personnalité par la guerre, il ne restera pas dans cette courte carrière militaire. Le différent d’Henri avec son père puis son départ bouleverse durement sa mère, Laure qui en souffre. Ses sœurs, Jeannette en particulier en ressent aujourd’hui encore de la tristesse. Henri reviendra rarement à Saint-Auban, et du reste ne verra pratiquement plus ses sœurs qui l’aimaient tant, ni ses propres filles, ni leurs mamans respectives. Parmi les 5 sœurs d’Henri, toutes filles de Jean et Laure Brachet, il y a d’abord l’ainée, Simone (1933-1996, épouse Servant, ensevelie au Buis. Nous retrouverons son nom à propos de la tombe n°10 où se trouve son fils). Puis Renée (1936-1994, épouse Gianoglio, emportée en un mois de maladie fulgurante et ensevelie à Sederon) ; puis Mireille (Gianoglio aussi, puisque 2 sœurs épousent deux frères) dont la vie sera ébranlée par la maladie et le décès de son jeune fils. Pour compléter la famille de Jean et Laure Brachet, il y a les jumelles : Jeannette (épouse Morel à Mévouillon) et Paulette à Châteauneuf des Bordettes, près des Pilles. Aucune de ces 5 sœurs ne peut reprendre la ferme. Seule Jeannette avec son mari Pierre Morel et ses fils cultivent encore, depuis Mévouillon, les champs dont ils ont hérité à la vente de la ferme des Brachet). C’est cette grande bâtisse aux volets rouges, au Pouzet. Le « Père Jean », Peire Djan,y faisait un excellent vin qu’il avait fini par trop aimer (bien que ce raisin pousse à 700m d’altitude et murisse avec peine). Jean qui aimait tant rire et raconter des blagues restait un homme dur parfois pour sa femme ou ses enfants. A la fin de sa vie, ses voisins Reynier et Rochas, l’ont entendu regretter que la propriété ne continue pas après lui. Il s’en plaignait trop tard. Une partie des terres seront rachetées par leur voisin Max Bec (décédé à l’hopital du Buis en février 2022) et transformées en grand verger à la génération suivante par Franck Bec. La ferme elle- même, la belle et grande bâtisse des Arnoux-Brachet avec sa cour intérieure, ses somptueuses boiseries de noyer, sa tour avec pigeonnier et sa propre source de Gapiane sera vendue à un investisseur qui l’agrandit pour y planifier des congrès, élargit les voutes, construit 7 chambres avec salle de bain, fait tailler par Charras, un virtuose de la pierre, un escalier en éventail (avec une pierre par marche). Mais des démêlés avec le fisc lui feront vendre la propriété à un juge hollandais puis cela passera à une famille de 7 enfants, de Versailles puis Lyon : la grande famille des Debay qui rebaptise la maison du Pouzet en « Saint Joseph ». Cela peut étonner pour la maison du vieux notaire protestant et de sa fille Antoinette Besson, martyre pour la foi. Ainsi après 400 ans de vieille tradition protestante, les lieux se sont de emplis d’autres féconds mariages et de voix d’enfants.