Tombe n° 5 : CHASTEL-PONÇON

Retour
Les autres tombes
La carte du cimetière

Article mis en ligne le 8 novembre 2022
dernière modification le 22 janvier 2023

par Colette

Tombe n° 5 et 5 bis :

Sur la gauche, les tombes des familles CHASTEL-PONÇON. En regardant vers le nord, on voit leur maison, la plus haute propriété, au flanc de la montagne de la Clavelière, avec ses cyprès protégeant de la bise.Curieusement, une des défuntes de la famille a DEUX plaques commémoratives : Il s’agit de Marie OLAGNIER épouse CHASTEL. Son nom est inscrit une première fois sur la stèle appuyée au mur (datant de son décès en 1934) : « Ici repose Marie Olagnier, épouseChastel, 1867-1934. A mon épouse, à ma mère regrettée.Seigneur à qui irons-nous ? Tu as la vie éternelle. Jean 6/68 ».Puis elle est commémorée une seconde fois, sur une autre grande stèle, en dessous du nom de son mari et avant celui de sa fille et de songendre : « Ici repose
→CHASTEL Rémy, décédé le 4 février 1939 à l’âge de 79 ans. Regrets.
→CHASTEL Marie 1867-1934.
Notre consolation abonde par le Christ, II Corint(hien)s Ch(apitre)1- V(erset) 5.

→PONÇON Nelie, 1903-1962.
→PONÇON Léopold 1898-1983. 

 ».


Voici la photo, prise au Pouzet de Marie Chastel (de Justillanne) née Olagnier. Elle tient sur ses genoux sa petite-fille, Lilette, le 4 juin 1933, jour du baptême. Marie Chastel décèdera une année plus tard.
L’enfant sur ses genoux, qu’on appelle Lilette, porte le même prénom que sa mère : Nelie, et en second prénom celui de sa marraine Emma, sœur de son père, infirmière missionnaire (voir sa photo plus loin). Lilette Ponçon (21 octobre 1932- 26.5.2000), épouse de Max Bec au Pouzet sera ensevelie au nouveau grand cimetière (5èmetombe à gauche) en 2000. Son père, Léopold PONÇON venait de La Motte- Chalencon. Il était neveu d’une autre Ponçon venue déjà de Chalencon et mariée aussi à Saint-Auban à Clément Rochas de La Galane en 1897). Ces mariages nous l’avons dit étaient souvent arrangés par le pasteur (Edouard Champandal de Sainte-Euphémie, Saint -Auban et La Motte-Chalencon). Pour la mise en ménage de Léopold Ponçon et de Nelie Chastel de Justillanne, on avait acheté vers 1930 la propriété du Pouzet àd’autres protestants, les Mourier (dont un ancien maire), qui habiteront ensuite à Sainte-Euphémie puis à Nyons sur la route de Mirabel. Le paiement était assuré pour la moitié par Rémy Chastel et pour l’autre moitié par le père de Léopold, en arrangement-dot-héritage. Les Ponçons sont très protestants (sa sœur et marraine de Lilette, Emma Ponçon, sera infirmière missionnaire auprès des lépreux de Tahiti(« Nous n’avions presque rien pour les soigner : un peu de solution DAKIN… racontait-elle ».Elle rapportait des colliers d’escargots marins de Tahiti - qui sont encore au Pouzet-). C’est donc par l’entremise du pasteur que Léopold avait rencontré sa femme Nelie. Elle était une des deux filles des Chastel de la ferme de Justillane, encore sur la commune de Sainte-Euphémie, à la limite de la commune de Vercoiran, en dessous du col de Peyruergue.
Le nom deJustillanneest devenu notoire car à la fin de la seconde guerre mondiale il s’y cachait un maquis de jeunes gens, réfractaires au service obligatoire en Allemagne. Ils se réfugiaient dans cette ferme isolée ou s’y approvisionnaient avant de continuer surFébrierau-delà duCol de Peyruergueou sur l’autre versant à l’ubac, en face de Vercoiran àChampagneen dessus deColombrette. C’est là àColombretteque la famille Jarjaye fut massacrée, dénoncée dit-on par des voisins jaloux de ne pas avoir pu, comme eux, conserver les fusils de chasse pour pouvoir chasser. On disait : « ils n’ont pas voulu avouer où se trouvaient les jeunes réfractaires (cachés à justement à Justillane) ». En fait les Nazis et le milicien qui leur servait de guide cherchaient à récupérer une collaboratrice prise au Buis par les maquisards et emmenée à Champagne où les Nazis l’on retrouvée seule. Les maquisards avaient pris la montagne en entendant arriver la colonne des nazis et des miliciens. La maison des Jarjaye était sur leur chemin. Mais la dénonciation a conduit les nazis tout droit vers la ruche où la famille cachait ses fusils de chasse. Certes il y avait, parmi les 5 garçons présents, Marcel de 24 ans qui avait l’âge de partir en STO. Mais pourquoi le père et ses deux frères plus jeunes sont- ils tués ? Dans la maison, seule la grand-mère et Robert ont été épargnés ainsi que la mère et le tout petit André qui étaient en déplacement. D’abord emprisonnés à Avignon ils ont été ensuite relâchés. Après la fusillade, la grand-mère est arrivée hébétée chez les voisins Bourny en disant « N’i a 4 per lou sou, li an tua ».
De nos jours, ils sont encore sur le sol, côte à côte, le père et 3 de ses fils, dans le petit cimetière de Vercoiran. En voici la plaque commémorative.

Pourquoi un tel acharnement ? Perdant sur tous les fronts et confrontés à une résistance organisée, les Nazis ont donné ordre non plus de déporter vers l’Allemagne lesréfractaires au service de travail obligatoire dès qu’on les saisissait mais de les fusiller sur le champ. C’est ainsi que l’on déplore les 36 fusillés du maquis d’Izon la Bruisse, fusillés par pelotons de 4, derrière les murs de la ferme Montaud à Égalayes.
Les lieux où ont vécu les défunts ont aussi leur histoire. Il faut, comme pour les personnes, raconter avec le plus d’exactitude possible les iniquités qui ont pu s’y dérouler pour rendre justice à ceux qui ont souffert et ne pas occulter la souffrance des lésés ni celle de
leurs descendants.